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Publié le 27 septembre 2016

Le «chevreuil» : gros gibier des régions habitées peu éloignées

Par André-A. Bellemare

Vous n’avez pas à organiser longtemps à l’avance une expédition de chasse compliquée et coûteuse requérant beaucoup d’équipement pour aller jusqu’au diable vauvert afin de trouver le cerf de Virginie, ce gros gibier que les Québécois continuent toujours d’appeler «chevreuil» (qu’ils nomment ainsi depuis des siècles parce que leurs ancêtres comparaient notre cerf au véritable chevreuil d’Europe).

Ce n’est pas surprenant d’apprendre que près de 170 000 Québécoises et Québécois, de tous âges et des toutes conditions sociales, chassent de nos jours ce cervidé sauvage dans la province, surtout dans les régions situées au sud du fleuve Saint-Laurent, particulièrement dans les régions du sud-ouest et de l’ouest du Québec. Quoique… à cause de l’abondance de cerfs dans la province durant les dernières décennies, et peut-être aussi à cause du réchauffement climatique de la planète, les chevreuils montent et pénètrent maintenant dans les forêts situées au nord du fleuve. Ce qui explique que les autorités permettent de plus en plus la chasse du cerf au Saguenay—Lac-Saint-Jean, dans Charlevoix, dans Portneuf et en Mauricie.

La chasse du chevreuil est surtout pratiquée dans les régions habitées par les humains, parce que les cerfs ont l’habitude de suivre les défricheurs et les agriculteurs pour profiter de la nourriture que ces derniers mettent à leur portée. Les chasseurs n’ont pas à s’exiler loin de chez eux pour apercevoir et récolter des cerfs; et ces chasseurs peuvent tenter leur chance le matin et le soir des jours de la «saison» légale de chasse — en novembre normalement —, sans renoncer à leurs occupations usuelles, ou en prenant une journée de congé lorsqu’ils jugent que les conditions atmosphériques sont très favorables à la chasse.

Tandis que, pour chasser l’orignal, il faut habituellement posséder un camp ou un équipement de camping élaboré dans une forêt éloignée, qu’on joint en circulant souvent dans une camionnette à quatre roues motrices; parfois, il faut même être muni d’un VTT ou d’une embarcation à moteur hors-bord pour rapporter la carcasse d’un orignal. La plupart du temps, il faut prendre une période de vacances pour réaliser son expédition de chasse de l’orignal. Ce ne sont donc pas tous les chasseurs qui ont les ressources pécuniaires ni les capacités physiques requises pour se mettre à la poursuite de l’orignal.

Un gibier arrivé avec la civilisation

Ce n’est pas avant les années 1800 que les habitants du Québec d’aujourd’hui ont pu constater une présence notable de cerfs de Virginie dans les Cantons de l’Est et le sud-ouest du Bas-Canada. Et ce n’est pas avant le début des années 1900 que ces cerfs ont gagné progressivement les régions situées plus à l’est (Chaudière-Applaches, Côte-du-Sud, Bas-Saint-Laurent et Gaspésie), à mesure que les défrichage et l’agriculture y ont été pratiqués. Puis le chevreuil a suivi les défricheurs et les agriculteurs lorsque ces derniers ont peuplé l’Outaouais, le Nord de Montréal et une partie de l’Abitibi et du Témiscamingue.

Il existe un véritable «paradis» de la chasse du chevreuil en Amérique du Nord, est c’est dans l’île d’Anticosti appartenant au gouvernement québécois depuis 1975 seulement. L’île de 7890 km² de superficie, était antérieurement une propriété privée, la plus grande de la province. Voilà 120 ans, alors qu’Anticosti appartenait au chocolatier milliardaire français Henri Menier — aussi propriétaire du château de Chenonceau sur la Loire —, il y introduisit quelques centaines de cerfs. Aujourd’hui, l’île en compte plus de 165 000, malgré les 120 années de chasse qui ont suivi! Légalement, un chasseur, s’il en a le temps et les moyens financiers, peut y récolter jusqu’à quatre chevreuils… à tous les cinq jours, du début de septembre jusqu’à la mi-décembre (certaines conditions s’appliquent).

Plus de chasseurs parce que plus de gibier

Surtout durant le dernier quart de siècle, le nombre des chasseurs intéressés à récolter le chevreuil a triplé chez nous. Parce que le nombre de bêtes a presque… décuplé entre-temps! En effet, au début des années 1970, on dénombrait quelque 50 000 chasseurs de chevreuil et seulement 30 000 cerfs environ… La récolte annuelle de chevreuils atteignait alors le fond du baril avec moins de 2000 bêtes. Les hardes de chevreuils avaient été décimées durant les hivers antérieurs, très froids et très neigeux, durant lesquels les cervidés sauvages ont eu de la misère à trouver suffisamment de nourriture pour survivre.

Mais tout cela a changé lorsque feu Claude Simard — le jeune beau-frère du premier ministre libéral feu Robert Bourassa, qui l’avait nommé ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche — a accepté les recommandations de biologistes du MLCP et de certains journalistes chroniqueurs spécialisés en chasse et pêche de restreindre de façon draconienne la réglementation sur la chasse, puis d’aménager les «ravages hivernaux» des cerfs existant dans les forêts privées, comme c’était le cas dans bien des États des U.S.A.

Aux États-Unis, les scientifiques évaluaient à quelque 350 000 le nombre des cerfs de Virginie en 1900. Mais, un siècle plus tard, les hardes de chevreuils des U.S.A. atteignent le nombre étonnant de 30 millions! Presque 100 fois plus qu’un siècle plus tôt seulement… même si le nombre des chasseurs chez nos voisins du sud dépasse les 20 millions. Il faut dire que les États-Unis ont des lois et un système de gestion de la faune qui favorisent la recherche scientifique et l’aménagement des territoires fauniques et de la faune, ainsi que la protection de ces derniers.

L’ancien ministre Claude Simard a donc décidé, en 1974, d’imposer la «loi du mâle» (buck law) pour obliger les chasseurs à ne récolter que les cerfs mâles portant des bois d’au moins 7 cm de long. Cela, afin de protéger les biches reproductrices et leurs faons pour peupler les terrains boisés privés et les forêts du sud fréquentés par les cerfs. Il y eut alors bien des grincements de dents, mais on n’entend plus maintenant de tels grincements car la récolte de chevreuils a établi ensuite presque chaque année un nouveau record historique pour la chasse de ce gros gibier… En effet, on est passé, en moins de 30 ans, d’une récolte annuelle inférieure à 2000 bêtes à une récolte de plus de 70 000 cerfs! Un récolte augmentée de 3500 % par un nombre de chasseurs accru de 300 %.

Combien de chevreuils au Québec?

C’est rendu au point que des antichasseurs et autres «amis des animaux» — qui n’oseraient pas faire de mal à une mouche — se plaignent qu’il y a trop de cerfs de Virginie au Québec et qu’on devrait tenter d’en éliminer le plus possible! Ces personnes supplient les autorités québécoises de «faire quelque chose» parce que les cervidés sauvages grugent les plantes d’ornement sur les terrains privés entourant les maisons et les résidences secondaires dans les lieux de villégiature; ou bien parce que les cerfs dévorent les légumes dans les potagers, les fruits dans les vergers, les récoltes dans les champs cultivés… On déplore aussi un nombre fort supérieur de collisions entre les véhicules et les chevreuils sur les routes des milieux ruraux et semi-urbains.

Après de très durs hivers qui ont décimé le cheptel de cerfs du Québec — surtout en 2008 et 2009 —, puis après le rétablissement des hardes de cers, on a fait mention de la présence de 325 000 chevreuils dans le Québec continental (exception faite de l’île d’Anticosti, où l’on en a dénombré 166 000 au minimum). Mais, ces dernières années, on a surtout fait mention de la présence de quelque 250 000 à 275 000 cerfs dans le Québec continental, parce que les autorités ont adopté un train de mesures pour plaire aux citoyens désireux de voir diminuer le cheptel.

Oui, les autorités québécoises responsables de la chasse ont plié l’échine devant les citoyens qui réclamaient une réduction des hardes de cerfs de Virginie dans plusieurs régions du sud-ouest du Québec. Ces autorités proposent maintenant de gérer «une densité socialement acceptable» de chevreuils : elles mentionnent souvent la nécessité qu’il y aurait de «stabiliser et de maintenir» le cheptel de cerfs à moins de 285 000 têtes dans le Québec continental. Voilà pourquoi Québec fait tirer autant de permis de chasse spéciaux autorisant l’abattage des biches et faons, ou autorisant l’abattage de deux chevreuils par chasseur dans certaines zones provinciales de chasse (des conditions s’appliquent alors).

Durant les 40 dernières années, les chasseurs de chevreuil se sont donc serré la ceinture et ont accepté une avalanche de restrictions pour accroître au maximum le nombre de cerfs dans la province. Mais il est assez étonnant de voir maintenant des citoyens qui ne chassent pas exiger la réduction du nombre de cerfs, qui les dérangent…

Ces mêmes personnes ne semblent pas comprendre, ou vouloir comprendre que les chasseurs sont des «outils d’aménagement» qu’utilisent les scientifiques pour gérer les populations d’animaux sauvages. Des outils qui ne coûtent rien au gouvernement, mais qui rapportent gros dans l’économie des régions, et qui créent des emplois.

Des règles strictes à suivre

Chez nous, il est interdit de chasser le chevreuil durant la nuit, entre une demi-heure après le coucher du soleil et une demi-heure avant son lever. On ne peut évidemment tuer les cerfs à l’aide de collets, de pièges, ni les aveugler avec des projecteurs ou les traquer avec des chiens.

Il est totalement interdit de vendre ou d’acheter la viande d’un cerf, ou même de posséder la carcasse d’un gibier qui a été acheté, vendu, chassé ou piégé illégalement.

Vous pouvez chasser le cerf de Virginie à l’arc, à l’arbalète, au fusil, à la carabine et à l’arme à poudre de noire. Vérifiez bien si la puissance de votre arc ou de votre arbalète, si le calibre du fusil ou de la carabine que vous possédez sont autorisés pour la chasse du cerf par les règlements. Prenez soin de faire vérifier vos engins de chasse par des conseillers experts travaillant dans des magasins spécialisés; demandez des conseils sur les meilleures munitions à employer dans vos armes à feu pour chasser différents gibiers. Surtout, pratiquez le tir le plus souvent possible pour éviter de blesser les gibiers que vous ciblez durant la chasse.

Il existe des «saisons» spécifiques pour l’utilisation de chacun des engins de chasse mentionnés plus haut; il existe également des «saisons» spécifiques aux différentes zones provinciales de chasse identifiées dans le territoire provincial. Pour vous faire une idée de la complexité des règles imposées aux citoyens du Québec qui désirent chasser, je vous suggère de lire attentivement le résumé des règlements sur la chasse publié dans les pages du site web du ministère des Forêts, de la Faune et des parcs : http://mffp.gouv.qc.ca/publications/enligne/faune/reglementation-chasse/index.asp

Un animal sauvage bien curieux

Le cerf de Virginie est un animal sauvage nerveux, fin et rapide : vous devez le voir avant qu’il ne vous aperçoive. Toutefois, son grand défaut est d’être curieux : ce péché mignon cause souvent sa perte. À la chasse fine, c’est-à-dire en le recherchant à pied dans une forêt que vous connaissez bien, prenez soin de l’approcher en marchant le vent de face : le chevreuil que vous traquez ne pourra peut-être pas capter alors votre odeur ni entendre le bruissement de vos pas. Sinon, n’oubliez pas qu’il voudra peut-être vérifier quel prédateur le poursuit avant de déguerpir vif comme l’éclair : ce sera alors votre chance de faire feu rapidement.

Puisque le chevreuil fréquente surtout les régions du sud, du sud-ouest et de l’ouest du Québec, le territoire à chasser y est presque entièrement composé de terres privées. Ces terres ne sont pas tellement larges ni longues : les chasseurs n’y sont pas vraiment éloignés les uns des autres… Il est préférable, pour éviter des conflits avec les chasseurs voisins ou pour ne pas effrayer les cerfs et les envoyer vers les terres privées voisines, de ne pas trop bouger.

Voilà pourquoi la majorité des chasseurs de la province ont pris l’habitude, durant les dernières décennies, de se poster à l’affût des dans des miradors ou autres «caches» juchés dans des arbres. Les chasseurs attirent les chevreuils en entretenant régulièrement des appâts composés de pommes, de carottes, de grains de maïs, de betteraves à sucre, etc.

Je n’ai pas la prétention de vous résumer ici les nombreuses techniques de chasse du chevreuil. Il existe de nombreux livres qui vous les expliqueront dans le détail. Chaque mois, des magazines spécialisés publient des articles à ce sujet. Pour obtenir le maximum de succès à la chasse, consultez donc le maximum de livres et magazines, ou procédez à une recherche exhaustive sur le web en utilisant le moteur de recherche de Google. Vous aurez alors des heures et des heures de découvertes à faire en dehors du temps de chasse: adaptez ces conseils au genre de terrain que vous fréquenterez durant la saison de chasse.

Bien sûr, demandez toujours la permission d’un propriétaire terrien avant de chasser dans son domaine; maintenez des relations cordiales avec lui, et n’oubliez pas de partager le fruit de votre chasse avec lui et sa famille. En plus de vous en faire un bon ami, vous jouirez ainsi pendant longtemps d’un territoire de chasse exclusif, que ce propriétaire vous permettra peut-être d’aménager un peu pour accroître vos chances d’y attirer et d’y récolter des chevreuils.

À propos de André-A. Bellemare Chroniqueur de chasse et pêche depuis 40 ans.

André-A. Bellemare participe à Latulippe.com depuis 1996. À ce jour, il a rédigé plus de 400 chroniques pour Latulippe.com Bien informé sur l'actualité du plein air au Québec, il vous offre sa science, son expérience, son vécu et ses opinions.

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Les opinions exprimées dans nos chroniques n’engagent que les auteurs des textes et ne représentent pas nécessairement celles de Magasin Latulippe. Bonne lecture.

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